mercredi 25 mai 2011

Tree of life *****


Terrence Malick est en train d'acquérir une dimension égale à celle de Kubrick en son temps.
Jouissant d'une liberté quasi totale sur son tournage, tout juste freinée par les exigences commerciales au montage, Terrence Malick a pu exprimer toute la folie et toutes les angoisses qui sont en lui, avec une quasi arrogance qui mettra à terre le moins aguerri des cinéphiles, pour mieux cueillir et frapper en plein cœur les plus ardus.

Tree of life est un chef d'oeuvre monumental, surement la plus belle palme d'or depuis Elephant de Gus Van Sant. Un cri de douleur colossal d'un démiurge fou, mais avant tout d'un pur génie du septième art qui sait mieux que personne filmer et monter un cinéma de la pensée, qui sait toucher son spectateur dans ses interrogations les plus profondes.

Tous les éléments de cette gigantesque tragédie humaine s'imbriquent parfaitement pour former ce vaste essai sur la puissance divine, sous couvert d'un choix entre les pulsions naturelles et la voix de la sagesse
Tout renvoie à la peur de mourir, qui régit tout en ce monde.
Ces deux choix se résument ou à chercher désespérément à exister en montant socialement dans cette société de chair et de sang, et lorsqu'on a échoué inculquer les mêmes valeurs à ses enfants, ou à espérer, en prêtant allégeance à Dieu, à attendre avec angoisse un signe, quelque chose qui montrerait qu'on survivra au delà de ce monde.

C'est cette recherche désespérée d'importance, de vie, qui rythme nos vies. Alors que la grâce du film, que personne ne semble comprendre, renvoie plus à une forme de négation de soi même. Il s'agit d'accepter que nous ne sommes rien, et tout, que nous ne sommes qu'un élément d'un tout, une conscience générale.

Dans une seconde partie totalement folle, Malick renvoie notre existence à sa source, captant le big bang, jusqu'à l'apparition des hommes. Aidé par des images de synthèses magnifiques, il nous captive par une partie exposant la grandeur de la nature, mais également le lien invisible qui relie toutes les choses, qui fait que l'infiniment petit reflète l'infiniment grand, et inversement. Comme si le bing bang était la prise de conscience d'un univers, que l'état de fusion de tous les êtres s'arrêtait, pour créer la nature, belle mais foncièrement imparfaite.

Le génie de Malick se fait encore sentir dans une troisième partie somptueuse de par la fluidité exceptionnelle de sa mise en scène. Malick apporte une réponse indirecte à la question de la grâce et de la nature en faisant de son cinéma baroque assez opératique un monument de fluidité rarement vu au cinéma.

Et quelle nostalgie dans chaque plan !!
C'est notre propre enfance qu'on revoit, tendre et vraie, mais en même temps terrible. Les joies des premières fenêtres brisées, la découverte de la mort avec un camarade, le complexe d'Œdipe.
Le père castrateur, symbole de cette autorité rétrograde qui crée de la discrimination, du sexisme, qui crée une fracture entre parents et enfants, règne en maitre dans la maison, face à la mère, fluette, gracieuse, qui cherche à donner du bonheur à ses enfants et à se faire oublier, en vivant simplement, contrairement à ce père totalement soumis à sa condition naturelle.e

Pour le jeune Jack, qui se rappelle au début du film d'un discours de sa mère sur la voix de la grâce et la voix de la nature, ses pulsions enfantines et l'éducation du père vont le conduire à devenir cet être frustré, qui comme son père symbolise une société qui fait ressortir des clones de la génération précédente. Ils ne sont bons qu'à tenter d'exister, à faire régner l'ordre et la terreur dans leurs foyers, et à exprimer leur violence dans la société. Trop tard pour y changer quoi que ce soit. La frontière entre l'état de nature et l'état de grâce est mince, et nous sommes du mauvais coté depuis trop longtemps.
C'est sa prise de conscience, qui nous est racontée durant le film (puisque le milieu du film n'est qu'un long flashback), et qui le pousse à la fin, à lier à tous les êtres qu'il a aimé ou aurait du aimer, dans un état de grâce absolu.

Dans une dernière partie qu'on sentirais presque forcé si on adhérait à la doctrine athée commune, l'idée même de fusion, d'abandon total prend forme, dans une suite de visions psychédéliques évoquant tantôt un homme qui a pris conscience, tantôt sa vision fantasmée d'un tout uni, dans lequel enfance et vieillesse se confondent et tous les êtres réunis.

Malgré un montage presque froid, qui ferait penser à une peinture abstraite plus qu'à un film de cinéma, les acteurs ont toute la place pour s'exprimer. Le jeune Hunter McCracken parvient à faire ressortir toute la douleur de son personnage torturé, mais c'est surtout Brad Pitt, brillant en père frustré et autoritaire, et encore plus Jessica Chastain, lumineuse, qui crèvent l'écran. 

Ce sont de petits évènements qui sont décrits ici, mis en relation avec de grands évènements. Comme le dit si bien Malick, l'infiniment petit reflète l'infiniment grand. Et les hommes ne seront eux même qu'une fois unis, privés de leur condition naturelle, mais revenant au créateur sans peur, disant Adieu à leur existence propre. C'est un paradis céleste, dont il faut prendre conscience.

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