samedi 16 avril 2011

Essential killing ****


Soyez prévenus. Assister à Essential Killing, c'est être de tous les instants spectateurs mais aussi partie du film.

Le film ne dure qu'une petite heure et demi, mais on a l'impression d'avoir fait le voyage d'une vie lorsque le cheval rougi par le sang s'ébroue tranquillement, unique reste de l'existence de Mohammed.

Ce voyage extrême, loin de tous les codes du genre renverse son spectateur et l'entraine dans une expérience psychédélique.

Dès les premières images, on est plongé dans l'aventure. Le premier plan, filmé depuis l'hélicoptère est une merveille plaçant d'emblée le décor comme élément majeur de la narration. Ici, le décor est un désert, au sol blanchi par le soleil, plus tard, Mohammed, après un accident lors de son transfert, sera perdu dans la forêt sibérienne, dans le blanc purificateur de la neige.

Malgré son choix, pour son personnage principal d'un taliban capturé et torturé par l'armée américaine, Jerzy Skolimowski se révèle apolitique, il suit un personnage qui a des convictions, et la descente vers l'animalité se révèle d'autant plus puissante.

Une fois plongé dans l'aventure, on ne souhaite plus rien d'autre que de survivre, on fuit l'armée lancée à nos trousses, on s'extasie devant un poisson fraichement péché, on hurle, on lutte.
On n'est plus avec Mohammed, on est Mohammed.

Au coeur d'une nature sauvage, notre voyage prend la forme d'une libération vers un état animal.
Au fil de l'avancée, la mort qui était terrible devient une nécessité.

Comme devant payer son du à la société des hommes, notre belle tenue blanche, pure est aspergée de sang. Notre retour à l'état de nature laisse sa trace rouge sur la blancheur immaculé, pureté d'une nature souillée par notre présence.

La présence des animaux qu'on dérange d'abord comme ces rennes dont nous occupons le foin, avant d'intégrer leur présence, devenant proie après avoir été prédateur, nous intégrons notre état d'animal, membre du cycle naturel, proie idéale pour les loups.

Les quelques séquences de rêve onirique renvoient à la transformation en état animal, du rêve du passé, somptueuse image de la femme voilée sur la neige au rêve déshumanisé avec les loups, le personnage, alors que son enveloppe humaine agonise avance vers une voix de retour à la nature. La dernière image, le cheval blanc portant sur son flanc les taches rouge sang est particulièrement puissante dans sa symbolique d'un état naturel retrouvé.

Cette formidable prouesse est réussie haut la main grâce à deux hommes, deux fous névrosés qui partagent un fragment de leurs fantasmes l'espace d'un film.

Le génial Vincent Gallo, eblouissant par sa présence, sa force, son intensité.
Et le réalisateur Jerzy Skolimowsky. Il a tout compris au plan subjectif, au suspense (la première scène est un modèle du genre) et au rythme. Son expérience sensorielle démente nous plonge aux cotés de son acteur pour un trip dont on ressort bouleversé et changé. L'expérience, est riche, viscérale et puissante.

Chef d'œuvre.

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