dimanche 17 avril 2011

The company men ***


A peine sorti de l'escarcelle du tâcheron Klapisch, qui n'a pu en tirer qu'un navet abyssal, Ma part du gateau, le sujet de la crise financière et de ses conséquences tombe entre les mains de John Wells, réalisateur et scénariste de séries télévisés.

Et mon Dieu, grâce sois rendue à Wells pour avoir osé montrer autre chose que ce sale cinéaste gauchiste horriblement démago.

Loin de montrer les prolétaires réduits au chômage, Wells choisit de nous montrer la classe aisée, qui joue au golf, roule en porsche, part en vacances, vit dans des grandes maisons.

Finalement, en dépis de tout ce qu'ils ont obtenu, ils ne sont rien de plus que les petites gens. Aussitôt réduits au chômage, il ne leur reste rien. Qu'ont-ils fait de leurs mains ? Rien. Tout ce qu'ils ont accompli se résume dans un contrat de travail avec un salaire et un poste marqués dessus.

Malgré tous leurs avantages sociaux, ils vivent dans une peur absolue de se retrouver sans emploi, comme n'importe quel prolétaire.

La scène d'entrée est absolument terrible, on se doute de ce qui va arriver, mais l'angoisse qui étreint ces hommes et ces femmes et l'atmosphère d'incertitude qui pèse est superbement rendue. On croit au suspense, pour finalement voir une nuée d'hommes et de femmes, un carton sous le bras avançant d'un air hagard vers leur voiture.

On se prend tout de suite d'affection pour ces personnages grotesques. Ils se sentent au dessus, mais ils sont absolument ridicules.
Une seule scène suffit à les décrire, cet entretien entre Phil (Chris Cooper) et sa conseillère de l'agence de recherche d'emploi. 
Pour incarner ces personnages, on a le droit à un gros casting, Ben Affleck (Bobby) est superbe, ainsi que Tommy Lee Jones (Gene). Mais le plus impressionnant est Chris Cooper, il est absolument terrassant dans le rôle de cet homme qui a tout donne à son entreprise, depuis qu'il était ouvrier. Il respire le désespoir et le renoncement par chaque pore de sa peau.

La mise en scène de Wells est sobre et élégante. En épurant au maximum ses cadres, en instaurant un rythme lent et presque contemplatif et en choisissant un accompagnement musical discret, il communique une impression de spleen terrible. C'est du grand art.

Bien sur, on ne nous épargne pas un traitement typiquement américain. La confrontation entre le beau frère, incarné par un Kevin Costner écrasant de présence à l'écran, et Bobby prend l'allure d'une lutte des classes avant la réconciliation tant attendue, le fiston revend sa xbox pour aider ses parents.
 Très démonstratif, le film est très lourd dans son opposition d'un capitalisme sauvage avec un capitalisme à la papa, qui respecte ses employés. Il en résulte que le film perd quelques intérêt.

Qu'importe, la démonstration reste d'actualité et si la fin est clairement bâclée, le film demeure un modèle rien que pour le choix de John Wells de nous montrer ces cadres.

Assurément pas un grand film, mais à voir, vraiment, vous n'en ressortirez pas déçus. Un film référence sur la crise financière.

samedi 16 avril 2011

Essential killing ****


Soyez prévenus. Assister à Essential Killing, c'est être de tous les instants spectateurs mais aussi partie du film.

Le film ne dure qu'une petite heure et demi, mais on a l'impression d'avoir fait le voyage d'une vie lorsque le cheval rougi par le sang s'ébroue tranquillement, unique reste de l'existence de Mohammed.

Ce voyage extrême, loin de tous les codes du genre renverse son spectateur et l'entraine dans une expérience psychédélique.

Dès les premières images, on est plongé dans l'aventure. Le premier plan, filmé depuis l'hélicoptère est une merveille plaçant d'emblée le décor comme élément majeur de la narration. Ici, le décor est un désert, au sol blanchi par le soleil, plus tard, Mohammed, après un accident lors de son transfert, sera perdu dans la forêt sibérienne, dans le blanc purificateur de la neige.

Malgré son choix, pour son personnage principal d'un taliban capturé et torturé par l'armée américaine, Jerzy Skolimowski se révèle apolitique, il suit un personnage qui a des convictions, et la descente vers l'animalité se révèle d'autant plus puissante.

Une fois plongé dans l'aventure, on ne souhaite plus rien d'autre que de survivre, on fuit l'armée lancée à nos trousses, on s'extasie devant un poisson fraichement péché, on hurle, on lutte.
On n'est plus avec Mohammed, on est Mohammed.

Au coeur d'une nature sauvage, notre voyage prend la forme d'une libération vers un état animal.
Au fil de l'avancée, la mort qui était terrible devient une nécessité.

Comme devant payer son du à la société des hommes, notre belle tenue blanche, pure est aspergée de sang. Notre retour à l'état de nature laisse sa trace rouge sur la blancheur immaculé, pureté d'une nature souillée par notre présence.

La présence des animaux qu'on dérange d'abord comme ces rennes dont nous occupons le foin, avant d'intégrer leur présence, devenant proie après avoir été prédateur, nous intégrons notre état d'animal, membre du cycle naturel, proie idéale pour les loups.

Les quelques séquences de rêve onirique renvoient à la transformation en état animal, du rêve du passé, somptueuse image de la femme voilée sur la neige au rêve déshumanisé avec les loups, le personnage, alors que son enveloppe humaine agonise avance vers une voix de retour à la nature. La dernière image, le cheval blanc portant sur son flanc les taches rouge sang est particulièrement puissante dans sa symbolique d'un état naturel retrouvé.

Cette formidable prouesse est réussie haut la main grâce à deux hommes, deux fous névrosés qui partagent un fragment de leurs fantasmes l'espace d'un film.

Le génial Vincent Gallo, eblouissant par sa présence, sa force, son intensité.
Et le réalisateur Jerzy Skolimowsky. Il a tout compris au plan subjectif, au suspense (la première scène est un modèle du genre) et au rythme. Son expérience sensorielle démente nous plonge aux cotés de son acteur pour un trip dont on ressort bouleversé et changé. L'expérience, est riche, viscérale et puissante.

Chef d'œuvre.