mardi 31 mai 2011

Le gamin au vélo **


Loin, très loin, des cimes d'arrogance magnifique de Tree of life, de nombreux cinéastes content des histoires de façon simple et (parfois) touchante.
Parmi ceux là, il y a les frères Dardenne. Succédant (avec Il était une fois en Anatolie) au grand prix du festival de Cannes à des hommes et des dieux de Xavier Beauvois, ce film simple et très sobre raconte avec sincérité l'histoire d'un gamin prêt à tout pour retrouver son père.

Je n'avais jamais vu de films des frères Dardenne, et ce Gamin au vélo me donne plutôt envie de continuer.
L'histoire, touchante, est racontée de façon très simple, sans fioriture. On peut regretter une mise en scène qui suit plus l'action qu'elle ne la commente, ainsi que quelque passages écrits quelque peu à la truelle, comme la rencontre avec le dealer, mais rien ne saura détourner l'attention du spectateur de l'histoire qu'on lui conte.

Cette recherche du père est universelle et touche tous les spectateurs.
Ce gamin au vélo ne trouvera pas le repos tant qu'il n'aura pas retrouvé le père qui devait venir le chercher au centre il y a un mois. On ressent son manque, et sa rage tout au long du film, dans les bagarres qu'il ne semble jamais vouloir perdre ou par son attitude renfrognée en permanence.
Le jeune Thomas Doret parvient à incarner ce personnage torturé en permanence.

Il est accueilli par la seule femme qui ait vu ce qu'il y avait en lui, et qui va le temps du film tenter de lui donner l'amour maternel qu'il n'a pas reçu, brillamment incarné par une Cécile De France bien meilleure quand elle est dirigée par d'humbles metteur en scène.
Ce n'est qu'à la fin, après avoir résolu ses complexes identitaires que le jeune garçon se sentira enfin chez lui chez sa mère de substitution.


Jusqu'au bout, dans une intrigue parfois cousue de fil blanc et surtout écrite à la truelle (la rencontre avec le gangster), les frères Dardenne instaurent cette ambiance étrange, en tension permanente, avec une certaine réussite, tant le jeune garçon est à fleur de peau. La scène finale est une métaphore étonnante qui peut signifier beaucoup de choses.
A l'image de cette scène, l'âpreté dans la façon de filmer des Dardenne rend toujours dérangeant les petits rien, le film en gagne une certaine puissance, mais reste tout de même mineur pour un grand prix à Cannes.

mercredi 25 mai 2011

Tree of life *****


Terrence Malick est en train d'acquérir une dimension égale à celle de Kubrick en son temps.
Jouissant d'une liberté quasi totale sur son tournage, tout juste freinée par les exigences commerciales au montage, Terrence Malick a pu exprimer toute la folie et toutes les angoisses qui sont en lui, avec une quasi arrogance qui mettra à terre le moins aguerri des cinéphiles, pour mieux cueillir et frapper en plein cœur les plus ardus.

Tree of life est un chef d'oeuvre monumental, surement la plus belle palme d'or depuis Elephant de Gus Van Sant. Un cri de douleur colossal d'un démiurge fou, mais avant tout d'un pur génie du septième art qui sait mieux que personne filmer et monter un cinéma de la pensée, qui sait toucher son spectateur dans ses interrogations les plus profondes.

Tous les éléments de cette gigantesque tragédie humaine s'imbriquent parfaitement pour former ce vaste essai sur la puissance divine, sous couvert d'un choix entre les pulsions naturelles et la voix de la sagesse
Tout renvoie à la peur de mourir, qui régit tout en ce monde.
Ces deux choix se résument ou à chercher désespérément à exister en montant socialement dans cette société de chair et de sang, et lorsqu'on a échoué inculquer les mêmes valeurs à ses enfants, ou à espérer, en prêtant allégeance à Dieu, à attendre avec angoisse un signe, quelque chose qui montrerait qu'on survivra au delà de ce monde.

C'est cette recherche désespérée d'importance, de vie, qui rythme nos vies. Alors que la grâce du film, que personne ne semble comprendre, renvoie plus à une forme de négation de soi même. Il s'agit d'accepter que nous ne sommes rien, et tout, que nous ne sommes qu'un élément d'un tout, une conscience générale.

Dans une seconde partie totalement folle, Malick renvoie notre existence à sa source, captant le big bang, jusqu'à l'apparition des hommes. Aidé par des images de synthèses magnifiques, il nous captive par une partie exposant la grandeur de la nature, mais également le lien invisible qui relie toutes les choses, qui fait que l'infiniment petit reflète l'infiniment grand, et inversement. Comme si le bing bang était la prise de conscience d'un univers, que l'état de fusion de tous les êtres s'arrêtait, pour créer la nature, belle mais foncièrement imparfaite.

Le génie de Malick se fait encore sentir dans une troisième partie somptueuse de par la fluidité exceptionnelle de sa mise en scène. Malick apporte une réponse indirecte à la question de la grâce et de la nature en faisant de son cinéma baroque assez opératique un monument de fluidité rarement vu au cinéma.

Et quelle nostalgie dans chaque plan !!
C'est notre propre enfance qu'on revoit, tendre et vraie, mais en même temps terrible. Les joies des premières fenêtres brisées, la découverte de la mort avec un camarade, le complexe d'Œdipe.
Le père castrateur, symbole de cette autorité rétrograde qui crée de la discrimination, du sexisme, qui crée une fracture entre parents et enfants, règne en maitre dans la maison, face à la mère, fluette, gracieuse, qui cherche à donner du bonheur à ses enfants et à se faire oublier, en vivant simplement, contrairement à ce père totalement soumis à sa condition naturelle.e

Pour le jeune Jack, qui se rappelle au début du film d'un discours de sa mère sur la voix de la grâce et la voix de la nature, ses pulsions enfantines et l'éducation du père vont le conduire à devenir cet être frustré, qui comme son père symbolise une société qui fait ressortir des clones de la génération précédente. Ils ne sont bons qu'à tenter d'exister, à faire régner l'ordre et la terreur dans leurs foyers, et à exprimer leur violence dans la société. Trop tard pour y changer quoi que ce soit. La frontière entre l'état de nature et l'état de grâce est mince, et nous sommes du mauvais coté depuis trop longtemps.
C'est sa prise de conscience, qui nous est racontée durant le film (puisque le milieu du film n'est qu'un long flashback), et qui le pousse à la fin, à lier à tous les êtres qu'il a aimé ou aurait du aimer, dans un état de grâce absolu.

Dans une dernière partie qu'on sentirais presque forcé si on adhérait à la doctrine athée commune, l'idée même de fusion, d'abandon total prend forme, dans une suite de visions psychédéliques évoquant tantôt un homme qui a pris conscience, tantôt sa vision fantasmée d'un tout uni, dans lequel enfance et vieillesse se confondent et tous les êtres réunis.

Malgré un montage presque froid, qui ferait penser à une peinture abstraite plus qu'à un film de cinéma, les acteurs ont toute la place pour s'exprimer. Le jeune Hunter McCracken parvient à faire ressortir toute la douleur de son personnage torturé, mais c'est surtout Brad Pitt, brillant en père frustré et autoritaire, et encore plus Jessica Chastain, lumineuse, qui crèvent l'écran. 

Ce sont de petits évènements qui sont décrits ici, mis en relation avec de grands évènements. Comme le dit si bien Malick, l'infiniment petit reflète l'infiniment grand. Et les hommes ne seront eux même qu'une fois unis, privés de leur condition naturelle, mais revenant au créateur sans peur, disant Adieu à leur existence propre. C'est un paradis céleste, dont il faut prendre conscience.

vendredi 20 mai 2011

La conquête **


Saviez vous que Nicolas Sarkozy était un chic type ?
Et bien vous l'apprendrez dans La conquête. Nicolas Sarkozy y est représenté comme un brave type qui "n'a pas choisi la politique mais a été choisi par la politique". Oui, il aime sa femme. Oui c'est pour elle qu'il part gagner les élections.

Et à l'instar du personnage central, tous les hommes politiques sont présentés sous ce jour étrange d'hommes qui n'étaient pas des sales types à la base. Même De Villepin semble capable de se sentir touché lorsque son président et "ami" Jacques Chirac fait son AVC.
La réussite de La conquête dans sa mission de représentation de la vie politique est indéniable. En respectant scrupuleusement (peut être trop) la vérité historique (Clearstream, les émeutes en banlieues...), Xavier Durringer peut imaginer dans un carcan bien établi les interactions de ces hommes, faisant de chaque scène un petite saynète, dont la plupart sont très drôles, en grande partie car on connait les personnages.
Grâce aux excellents dialogues, et à des interprètes au diapason, Patrick Rottman et Xavier Durringer créent des personnages haut en couleur, caricaturaux, mais semblables à leurs modèles, et tellement vivant que finalement, on est prêt à tout laisser passer.

La politique, c'est une affaire de frustrés, qui se sentent obligé de jouer de leur libido pour se sentir forts.
Ils sont odieux dans leurs rapports, bien que restant parfaitement respectable en tête à tête. 
Ils ont tellement envie du pouvoir qu'ils n'hésitent pas à user de toutes les ficelles et semble en permanence à fleur de peau, à l'exception de Chirac, à la libido apaisée par ses années au pouvoir l'ayant amolli.
Ils sont chez eux dominés par leurs femmes, tenus en laisse par les couilles. Cecilia, qui a on se le rappelle trompé son mari parce qu'il était politique et que visiblement elle ne savait pas bien ce que ça impliquait pour la vie de famille, se permet de virer les hommes de la campagne de son mari, et Rachida avec un air de pouffiasse bienvenu d'en profiter en narguant ses petits camarades. Il n'y a qu'à voir son petit sourire satisfait de boniche lorsque les hommes se font virer du restaurant. Bernadette est également montrée comme la conseillère numéro une de son mari, qui le traite comme l'enfant qu'il est.
Du coup, les mâles ne semblent plus du tout méchants, ils sont juste pathétiques, et par là touchants, tandis que les femmes sont froides et calculatrices. 

Et le personnage de Nicolas Sarkozy est le plus représentatif de "l'homme politique".
Durringer montre à la fois son talent pour l'expression en public, avec une hargne contenue, et un sens de la répartie politique et tous ses problèmes privés, ce qui a pour effet de personnifier cette dualité dans l'homme politique, frustration qui entraine un déchainement phallique et donc une détermination sans failles.
Malheureusement, il se plante totalement dans les scènes intimistes. L'actrice qui joue Cécilia est d'une nulité sans nom qui contraste avec le talent un brin surjoué des interprètes masculins et les scènes sont d'une platitude à toute épreuve.

Durringer a une idée affreuse de mise en scène pour représenter la dualité de Sarkozy qui consiste en un montage parallèle entre les évènements de 2002 à 2007 et le jour de l'élection. Non seulement cela crée un rythme complètement foireux, mais donne en plus le ton en commençant par une image du "présidator", prostré, une alliance à la main alors qu'il aurait été de bon ton de commencer par les apparences plutôt que sur le réel.
On a une impression de toc, de faux rythme juste incroyable.

Il est par ailleurs bête de se rendre compte pendant ces scènes intimes que la mise en scène ne parvient jamais à créer des émotions. Et pour cause, elle se contente de suivre. La seule idée véritablement bonne que j'ai trouvé est celle du plan séquence assez réussi à la plage.

Heureusement, ce faux rythme a le mérite de privilégier les saynètes entre hommes politiques. Du coup, on ressort de la salle avec l'impression plaisante d'avoir passé un bon moment.
Ce n'est clairement pas un chef d’œuvre, mais on sort avec le sourire.

jeudi 19 mai 2011

Retour sur ... La trilogie du dollar ****

Première œuvre de Sergio Leone, œuvre de la maturation, qui aura permis de mesurer tous les progrès de son metteur en scène, au fil des trois films, fait proprement rare au cinéma, la trilogie du dollar est également un jalon exceptionnel dans l'histoire du western.

Arrivé en pleine période dite du western spaghetti, cette trilogie contribua à rétablir l'image du western tout en la reformant selon ses principes.

Loin de l'amateurisme né de l'ignorance des premiers faiseurs de western italien, elle permettra à son metteur en scène de devenir l'une des plus grandes légendes du cinéma moderne.



Leone imposera sa patte à un genre presque mort-né. Il assume ses influences et n'hésite pas à invoquer les grands maitres de l'âge d'or, tout en créant son propre langage cinématographique.





Pour une poignée de dollar (1964) **


Pour une poignée de dollars est le premier film de cette trilogie. Œuvre incomplète, manquant cruellement de maitrise, on pourrait dire qu'il s'agit d'un film raté si notre respect du maitre ne nous l'interdisait pas, et surtout grâce à la présence des deux premiers grands acteurs de Leone, Clint Eastwood et Gian Maria Volonte. Même la bande sonore de son compère Enio Morricone n'en est encore qu'à ses balbutiements, approche d'un nouveau genre cinématographique oblige.

On remarque tout de même qu'en dépit de son caractère inachevé, tout le langage de Leone à la mise en scène est là. Grand angle, zoom arrière, plans séquences étirés en longueurs, longs silences, gros plans...

Mais le principal élément du cinéma de Sergio Leone, son rythme lent, est ici sabordé par un montage trop rapidement haché, qui nous empêche de nous immerger pleinement dans l'histoire au delà de quelques séquences. La maitrise des gunfights n'est pas encore du coté de Leone. Mais si la maitrise n'est pas encore là, les éléments du style le sont bel et bien.

D'autant plus que le thème récurent de la trilogie, reprenant la vague de réalisme frappant le cinéma à cette époque est déjà là. Ici, pas d'indiens, de chevauchées héroïques à la John Ford. Simplement des américains qui se battent contre des américains. Ici deux bandes rivales opposés pour la prise de contrôle de la ville. La violence se trouve au sein même des camps déjà établis, puisque la corruption frappe les deux bandes. Il n'y a pas de héros, simplement des catalyseurs qui attirent et resolvent les problèmes. Ils sont eux même des membres du système et n'agissent pas pour perdre le système, mais de façon cyclique, simplement attirés par l'argent.

L'homme sans nom est le catalyseur idéal de cette violence, puisque son arrivé provoque la résurgence de la violence, qu'il finira par attiser de par son seul rayonnement. Clint Eastwood, qui joue ce rôle est autant mythifié par la caméra de Leone qu'il n'est réduit à un simple ressort dramatique, artificiel. Il est l'élément dramatique et esthétique le plus certain pour affirmer que Sergio Leone ne prend pas la voie du réalisme, qui frappe autant l'Amérique que son pays l'Italie, mais bien de la tragédie baroque.

Cette tragédie baroque amère est encore beaucoup trop soulignée, par une symbolique très lourde, comme l'utilisation de personnages féminins comme otages ou victimes sacrificielles.





Et pour quelques dollars de plus (1966) ***


Sergio Leone apportera son esthétique presque à bout pour nous offrir un premier classique. Et pour quelques dollars de plus arrive 2 ans après son prédécesseur, et 2 ans avant le premier chef d’œuvre du maitre, Le bon la brute et le truand.

S'il semble plus sur, Leone hésite cependant encore un peu entre les styles avec ce film. Alors que Pour une poignée de dollars explorait les pentes de la tragédie baroque, jusqu'à l’exagération, Et pour quelques dollars de plus renoue avec un cinéma de son époque plus réaliste. Il en résulte un curieux contrepoint entre des scènes sans fond musical (comme le tabassage en règle des deux tueurs à gage), d'une froideur presque réaliste, des scènes étranges, entre rêve et réalité, comme la séquence du jeu du chapeau, qui frappe par l'utilisation de toute la grammaire Leonienne, mais qui s'ancre dans le réel en oubliant les exubérances de Morricone un instant. Comme si la seule chose qui permettait au cinéma de Leone d'acquiérir ses lettres de noblesses en tant que tragédie baroque était la musique de Morricone. Heureusement, Morricone signe ici une bande originale culte, bien utilisée à de nombreuses reprises.

L'intrigue est également plus maitrisée que celle du premier film, mais la relative absence de climax et d'enjeux dramatiques majeurs crée un ennui chez le spectateur, le cadre de l'intrigue étant beaucoup trop resserré pour permettre des fulgurances lyriques, autrement que dans un duel final trop attendu. 

Et pour quelques dollars de plus demeure tout de même un film qu'on prend vraiment plaisir à suivre de bout en bout, son style plus intriguant et moins grandguinolesque que celui du premier volet de la trilogie lui donnant une vraie singularité.

Le film aura en outre le mérite d'introduire le troisième grand acteur de la trilogie, Lee Van Cleef, parfait en tueur à gage, ainsi que d'offrir une sortie royale à Gian Maria Volonte, qui joue ici le méchant.







Le bon, la brute et le truand (1968) *****


Heureusement, 2 ans encore plus tard, Leone nous sortira enfin son premier chef d’œuvre, hallucinant sur tous les points, Le bon la brute et le truand est aujourd'hui considéré comme un des plus grands classiques du cinéma contemporain. Il constitue l'apogée du western de Leone, le chef d’œuvre ultime de cette trilogie du dollar, la perfection stylistique après deux films coup d'essai qui se heurtèrent à tous les récifs de ce genre de cinéma.

Le style de Leone trouve enfin sa pleine expression. Fini les tâtonnements, tout est ici parfaitement cohérent. On connait les points qui font du style de Leone un cinéma à part. Ici, il enrichit encore son cinéma de singularité en nous proposant un vrai opéra baroque. La musique de Morricone crée une ambiance surréaliste, les phases non musicales sont bien mieux exploitées, et surtout, la musique s'adapte à toutes les situations et crée de la tension ou toutes sortes d'émotion comiques ou tragiques, loin du grandguignolesque exclusif des deux précédents volets. Toutes les perles visuelles de Leone se retrouve. On retrouve également une virtuosité dans l'exploitation des bruits extérieurs, comme cette séquence où l'armée marchant au pas cache à Clint Eastwood le bruit des assassins dans le couloir.

Le ton est beaucoup plus léger que dans les deux précédents essais, signes que le maitre a abandonné la pure tragédie du premier volet et l’âpreté du second essai. Les répliques cultes s'enchainent et l'exhubérance du troisième acteur Eli Walach (dans le rôle du truand) est là pour en faire un personnage ignoble et vil, mais terriblement attachant.

D'ailleurs elle est là toute la singularité de ce chef d’œuvre. Les personnages, qui prennent tous des figures de tragédie grecque, sont traités avec la profondeur psychologique que permet le cinéma.

On ne sait véritablement rien d'eux et on les découvre par leurs actes. Le héros solitaire, qui se fait le héraut de toute justice, ici le bon joué par Clint Eastwood, qui punit la brute Lee Van Cleef qui n'aura fait que se montrer ignoble durant le film. Le truand Eli Walach, en plus d'être le ressort comique principal joue le rôle de l'acolyte du bon. Il n'est pas réellement dangereux, juste un desesperado de plus, qui ne vaut pas bien cher. Il est ainsi terriblement attachant, dépassé qu'il est par les évènements, comme une sorte de témoin, echo au spectateur.

Pour la première fois, outre le personnage à la classe sombre et silencieuse, l'homme sans nom, on s'attache à un autre perrsonnage de cette aventure.

La brute, au contraire, ne suscite que le rejet de la part du spectateur. Il est le méchant idéal de l'aventure et se retrouve de facto puni par le bon à la fin.

La tragédie est bien là par le scénario, tant les climax s'accumulent. Le trio change tour à tour de dominant, les interactions entre les personnages varient. C'est simplement virtuose.

Et c'est le chef d’œuvre qui clôt en beauté cette trilogie exceptionnelle, jalon du western, qui aura apporté un style unique, une forme d'opéra surréaliste à ce genre mythique, loin, et en même temps si proche du romantisme de La prisonnière du désert.

Le festival de Printemps







Bienvenue à tous, blogueurs de tous âges, de toutes races, de toutes religions, et de toute je ne sais quoi encore. Chris remet son festival pour la troisième fois après les succès du festival d'automne (écrasé par Potiche, pourtant un navet) et du festival d'hiver (écrasé par Black Swan, pourtant très moyen). Pour la seconde fois, je vais participer, après l'excellent festival d'hiver. Et cette fois ci encore, la sélection est très alléchante.


Au menu, une balade à Paris par Woody Allen, spécialiste des clichés européens, une chronique familiale sur fond de philosophie par le formaliste Terence Malick, une balade enfantine en vélo par les frères Dardennes, un sketch des guignols de l'info avec des vrais personnages par Xavier Durringer (qu'on dit gauchiste), un Mel Gibson ressuscité (ou pas) dirigé par l'excellente Jodie Foster, des chats et des dieux (belle phrase promotionnelle) par Johan Sfar, une séparation primée à Berlin par Asgar Farhadi et un boulevard londonien par William Monahan.


Tous les détails ici

mercredi 18 mai 2011

Minuit à Paris - deuxième *


J'aurais la peau de Woody Allen. Non content de m'avoir fait croire que j'avais passé une bonne séance la première fois devant Minuit à Paris, il m'a ce soir achevé en me couvrant de honte et d’opprobre à la simple pensée que j'ai pu faire une critique élogieuse de ce film médiocre et y entrainer des amis.

Dès les premières images, le doute régnait déjà. "Comment, c'était donc si long les cartes postales au début ?".
Le film a fait ensuite illusion quelques minutes, le temps de poser le personnage de Gil Pender (excellent Owen Wilson), avec moults éloges à Paris et une série de dialogues interminables. La découverte des parents, clichés ambulants de l'américain moyen, et du pédant (bon Michael Sheen), ou dragueur bobo.

Mais voilà, si cette première partie est assez réussie, très vite ça va se gâter. La première intrusion de Gil Pender dans son passé va se réveler sommes toute plaisante, puisque le concept est assez ludique, mais très vite on y sent la faiblesse des dialogues. Les mêmes dialogues qui avaient relegués la première partie au rang de réussie alors qu'elle aurait pu (du ?) être excellente.
Et cela va aller en empirant. En cherchant desespérement à trouver les bons mots, Woody Allen allonge inutilement même les répliques qui auraient du être bonnes. Il casse tout effet comique par son chic toc des dialogues trop écrits. Moi qui m'était presque forcé à rire de chacune des blagues et des effets comiques la première fois, je me suis couvert le visage de mes mains tant je me suis rendu compte de la nullité de la chose.

Il se laisse en plus aller à la tentation du running gag. Les seul ressort comique du film sont ainsi le jeu des 7 familles (qui est qui parmi ces gloires du passé) et le jeu sur le temps, lorsque le personnage parle d'antibiotiques à son amoureuse du passé, ou lorsqu'il appelle à la rescousse ses amis du passé contre sa fiancée.
Et même ces running gag ont tendance à perdre toute efficacité dans la répétition. Les rencontres s'enchainent toute plus creuse les unes que les autres, bien que la rencontre avec les surréalistes soit d'un autre niveau. Les pauvres sont en plus réduits à des clichés vulgaires, ressassant sans cesse les mêmes phrases. Le seul ressort comique qui fonctionne est le dialogue sur le rhinocéros, car il a la chance d'être justement surréaliste, et surtout de ne pas durer trop longtemps (qui plus est, la crédibilité de Dali est bien aidée par son excellent interprète Adrien Brody).

Finalement, à force d'être entrainé dans une structure répétitive, le film finit par ne plus rien provoquer sinon l'ennui et se révèle totalement vide de sens, au delà de son message simpliste.
Que ce soit le passé ou le présent, rien n'est jamais réellement passionnant, bien que le présent retombe parfois avec plus ou moins de bonheur dans ce qui a fait le succès du new yorkais, la chronique satirique. Le passé est plombé dès lors qu'apparait Marion Cotillard. Les scène où elle apparait sont très longue, trop longue, et donnent lieu à des dialogues et divers éloges de Paris indigestes et sans aucune mesure.

Le dernier point noir du film, c'est d'avoir tant de comédiens talentueux, et de n'en faire que des pantins qui finalement finissent par perdre toute humanité et donc tout intérêt. Seul Owen Wilson s'en tire en singeant son metteur en scène de façon brillante, jusque dans les yeux exorbités, peut être les seuls moments intéressants du film (si on avait retiré les "oh my good moi Gil Pender, j'ai rencontré blablabla" de la scène du lit). Vicky Christina Barcelona était au moins sauvé du néant par un trio d'acteurs au sex appeal n'étant plus à faire.
Encore une fois, le style redondant et carricatural de Woody Allen a frappé, quel dommage, lui qui s'était lancé dans une belle nouvelle voix de carrière avec ce qui restera surement comme son chef d’œuvre, Match Point. (et avec des comédiens bien choisis).

Et pour bien montrer que j'ai honte d'avoir pu me convaincre de la qualité d'un film aussi moyen au point d'en publier une critique élogieuse, ben je vais la laisser cette critique élogieuse. Après tout, elle dit aussi beaucoup de vrai sur ce film, qui est certes raté, mais ne mérite pas non plus de jets de cailloux.

Au final, on retiendra tout de même que Minuit à Paris réussit l'exploit d'être très représentatif de Paris. Oui oui, vous lisez bien. Les théâtres de marionnettes avec des toiles que tendent les marionnetistes par dessus lesquels ils font parler tant bien que mal leurs personnages, ce film en est l'illustration parfaite. Un cliché parisien parfaitement réussit par Woody Allen. Pour le coup ça donnerait presque envie de leur donner la pièce à ces braves gens.

samedi 14 mai 2011

Minuit à Paris ***


Gil Pender s'ennuie. Il a une fiancée aussi sexy que gourde et superficielle, une future belle famille aussi conservatrice que terre à terre. Lui n'en a que faire de tous ces problèmes matériels. Ce qu'il veut, c'est se balader dans les rues de Paris, sous la pluie, faire revivre le passé l'espace d'une nuit ou d'une journée, pour fuir un futur fait de mort, de disputes et d'enfants.

Alors que sa fiancé s'entiche d'un bobo pédant parisien, que les horribles parents (américains, grossiers, incultes) de la demoiselle font leur petit tour dans le coin pour s'assurer que tout va bien, Gil va se balader dans Paris. Et à peine minuit sonné, voilà qu'un taxi des années 20 s'arrête pour le laisser monter.
C'est le début d'une aventure aussi loufoque que séduisante.
Plongé dans le Paris des années 20 qu'il admirait tant, Gil va rencontrer  Hemingway, Scott Fitzgerald, Pablo Picasso, Salvador Dali et autres Cole Porter et Luis Bunuel. Tant d’icônes qu'il n'imaginait que symbole d'un Paris perdu

Woody Allen choisit la voix de la légèreté et offre un beau défilé ludique de star, devant nos yeux aussi ébahis que ceux de l'excellent Owen Wilson, génial en artiste rêveur. Il compose un délicieux Paris des années 20, sublimé par de très beaux décors, et une photo un brin surréaliste, qui contribue à créer une ambiance feutrée et nostalgique.
Si ces personnages sont plus ou moins réussis (Picasso raté, Hemingway très bon, Adrien Brody brillant en Dali, Bunuel très bon ainsi que Scott Fitzgerald qu'on voit peu), les rencontres sont tant de moments magiques, Woody parvient à faire revivre ces gloires du passé artistique grâce à des dialogues ciselés.
La démonstration peut se révéler lourde (pot pourri comme je l'ai lu par ailleurs), mais l'humour omniprésent nous fait tout de même passer un très bon moment.
Notre new yorkais préféré se paye même des moments totalement détachés de l'intrigue, comme l'intrigue quasi inutile autour du détective, qui prend juste la place qu'il faut pour nous faire rire par une fin étonnante.

 Woody se joue des paradoxes temporels pour offrir des passages excellents, comme cette leçon de Picasso avec le bobo parisien, ou ces variations sur le thème des médicaments inconnus dans le passé.

Sous ses aspects de moment sans prétention, ce qu'il est d'ailleurs, Minuit à Paris est une belle leçon d'amour à Paris, à son histoire, mais surtout au présent et à la vie. Comme si la confrontation avec ce passé l'avait convaincu que seul la vie méritait d'être vécu, et que des années de mariage à vivre dans le passé n'était guère profitables pour lui, pas plus d'ailleurs que pour sa fiancée. Le personnage de Marion Cotillard est, à cet égard, vraiment intéressant. La pauvre femme se perd dans le passé et ne vivra jamais vraiment, contrairement à Gil, qui aurait aimé plus avec elle... Et qui rencontre son étonnante jumelle des années plus tard.

Minuit à Paris pourrait très bien rafler quelque chose au festival de printemps. En tous cas, sans être le chef d’œuvre annoncé par la presse, il vaut vraiment le coup.

Tomboy **


Drole de jeune cinéaste française qui ose parler de l'enfance des filles sous un jour particulier, Celine Sciamma livre un deuxième film à tendance autobiographique.
L'implication personnel de cette cinéaste des lesbiens se fait ressentir du début à la fin de ce tomboy.

Dès le début d'abord, avec cette mise en scène du fantasme de l'identification au père, cette opposition presque grossière avec la petite fille clairement identifiée à la mère.
Le fait de faire jouer le drame dans une famille unie n'est pas simplement un artifice scénaristique (comme j'ai pu le lire par ailleurs, chez des êtres dépourvus de sensibilité), mais comme une tentative de la cinéaste de se réconcilier avec ses propres parents. On sent tout l'amour qu'ils ont pour leurs enfants, c'en est très touchant.

Cela est accentué par la mise en scène très pudique de Celine Sciamma, qui sait rester à distance et laisser parler les émotions. Elle se contente de regarder (car on est clairement dans l'angle du voyeurisme) sans juger.

Très vite, Laure, l'héroïne, va se retrouver en interaction avec les enfants de son entourage. Et là, c'est le choc. Habillé en short et marcel, on la prend pour une fille. Surprise d'abord par la confusion de sa voisine Lisa, elle va très vite en prendre son parti et cultiver son identité masculine. A la maison, elle s'appelle Laure, dehors, elle s'appelle Michael.

Tous les fantasmes androgyne de la jeune fille . Le rejet de la condition féminine, la recherche de virilité, la volonté de ressembler jusqu'au bout à un garçon, l'attitude protectrice du père envers elle.
L'orientation sexuelle de la jeune fille se cristalise vite, lorsque Lisa tombe amoureuse de sa différence, sans connaitre son identité réelle.
Le film en devient presque malsain et pervers, la distance qu'a instauré la mise en scène devient voyeurisme léger, la sensualité à fleur de peau des jeunes filles apparait.
L'ambiguité des rapports de Laure avec ses proches devient dérangeante. Les fantasmes de la réalisatrice se font pressants.

Mais la réalité rattrape toujours le fantasme, et l'image que renvoie le miroir, au delà de son aspect androgyne est celle d'une femme qui ne pourra pas échapper à sa nature.
Au travers d'un évènement anodin, la supercherie sera révélée à tous. Les réactions des proches en disent beaucoup sur la jeunesse de la réalisatrice, rejet de la mère et compréhension du père, teinté d’ambiguïté (savait-il, imaginait-il ?). Finalement, Celine Sciamma revient dans le fantasme en réinstaurant une certaine ambiguïté dans le rapport mère fille, comme dans les relations avec la jeune Lisa.
La réalisatrice pardonne et s'excuse, et cette fin est très touchante.

C'est un film touchant, très personnel et bien mis en image. Si vous avez un certain rapport à l'androgynie et à l'ambiguité, nul doute qu'il vous touchera.

dimanche 8 mai 2011

Source code ***


Bien loin de la machine désincarnée et déshumanisée Inception, Duncan Jones, déjà auteur du prometteur Moon nous emmène dans un nouveau métrage surfant sur la vague des univers parallèles et de jeu avec le temps. 

Mais loin du manège orchestré et froid de Nolan, Duncan Jones frappe dès le début par sa remarquable agilité à nous immerger dans un rythme et à nous identifier à un personnage. 

La première scène est un modèle du genre. 
Après un générique plutôt intéressant alignant les vues d'un train de vie orchestré en plein fonctionnement, on termine notre course dans un train. Dans ce train, on se fixe à un homme. Cet homme se réveille et semble totalement dépaysé. Il se retrouve en face d'une jeune femme qu'il ne connait pas et qui lui fait la conversation comme à un amant.
On est saisi par l'efficacité avec laquelle Jones emploit l'arsenal du cinéaste malin. Décadrages, montage hyper cut, tout en laissant soin à son acteur de s'exprimer. La caméra suit le héros dépaysé dans ses mouvements, simplement et sans fioritures, et on se sent tout de suite rassuré sur la sincérité du film en même temps qu'on évite de se tuer les yeux.
Soudain, le train explose, tout le monde meurt et notre héros revient dans une sorte de machine à remonter le temps, en contact avec des officiels. On découvre sa mission, revenir encore et encore dans cette séquence de 8 minutes pour découvrir des indices susceptibles de démasquer le responsable de l'explosion.

Après une introduction aussi brillante, on pourrait penser que le rythme ira en faiblissant. Mais pas du tout. D'un coté, l'homme qui dit s'appeler Colter Stevens ne sait absolument pas ni qui il est, ni à qui il parle ni où il est, et est pressé par des généraux invisibles avides d'informations. On met donc du temps à s'habituer, tant les allez retour incessant sont menés avec le même talent par Jones. De l'autre coté, il tente de trouver plus d'indice à chaque fois, mais surtout, ses réactions sont différentes, il avance dans son enquête et sa perception du monde change à chaque détail qu'il observe.

Mais en réalité, ce qui donne vraiment toute sa dimension au film, c'est la façon dont il va, à chaque passage dans cette autre dimension s'attacher lui même à ces fantômes et tenter de modifier des évènements déjà figés. Pourtant, en dépit de l'apparente énigme insoluble, on remarque que la jolie damoiselle change de position à chaque passage, qu'il est capable de modifier en partie les évènements, de sauver temporairement la jeune femme.
C'est cela qui est absolument fascinant dans Source Code. Le film y gagne une profondeur inédite, jusque dans une séquence finale qui, bien que n'évitant pas LE poncif du genre, nous fait avaler une couleuvre énorme.

Il est vrai que le film comporte de nombreux défauts comme un certain manque de gravité dans le propos, un coté récréatif, qui bien que n'étant pas pour déplaire apporte tout de même un coté répétitif à une mise en scène qui finit sur l'espace d'un long par lasser, mais surtout qui se délite dans quelques artifices très américains, qui nuisent à la cohérence générale.
Les acteurs faisant le boulot contribuent cependant à nous faire croire à l'ensemble, et comme divertissement, entre ça et Fast and furious 5, vous savez quoi choisir.