jeudi 2 juin 2011

Le complexe du castor ***


Le complexe du castor, où la parfaite illustration de ce que ciné indé américain haut de gamme veut dire.
Non, il ne faut pas crier à l'originalité folle, pour le troisième film de Jodie Foster. Mais oui, on a le droit de le considérer comme le haut du panier. Car un film qui s'assume jusqu'au bout, jusqu'à céder à des moments de franc mauvais gout, franchement originaux pour le coup, ne peut qu'être appelé haut de gamme.

Oui, il y a un coté cheap dans ce long métrage. Aussi cheap que la poupée castor ou que l'ex roi d'Hollywood Mel Gibson, que l'accompagnement musical ou que des bricolages que l'entreprise vendra des millions, mais surtout cet horrible environnement qu'est le lycée américain. Le cheap, cette marque de fabrique de l'indé américain, auquel Jennifer Lawrence commence à être habitué (même si elle s'en est échappée le temps d'un excellent volet de X-MEN).
Mais parvenir à transcender (réellement) ce coté cheap omniprésent, en en faisant un élément de la narration et un parti prix radical, c'est plus rare, et ça mérite un coup de chapeau (mesuré) à madame Jodie Foster.

Le complexe du castor commence sur les chapeaux de roue. Le ton ironique de la voix off commentant les premières séquences, couplée à une ironie distanciée communiquée par la réalisation juste et un rythme rondement mené, mais qui sait prendre son temps, font de cette première séquence (jusqu'à l'arrivée du castor donc), une séquence de cinéma drôle, qui sait poser ses personnage admirablement.

A l'arrivée du castor, le rythme sera plus mesuré, plus lent, avec parfois quelques longueurs, mais qui ne sauront faire oublier les séquences inoubliables dans lesquelles apparait Mel Gibson. C'est bien simple, dès qu'il apparait et commence à parler avec sa marionnette, il impressionne. Bouleversant quand il nous montre le vrai Walter, et d'un calme monolithique assez excellent dès lors qu'il s'agit du Walter montré par la marionnette. 

La force de Jodie Foster, c'est de privilégier l'humour. Cette distanciation ironique qui crée d'abord du rire de par les décalages, et de la vie, qui semble se créer autour de ce personnage, puis une impression de monstrueuse farce dès lors que le castor échappe à tout contrôle et que le monde se retrouve face à ce personnage peu commun.
La folie qui gagne le personnage atteint des sommets dans une séquence mémorable de lutte entre Walter et la poupée. La réalisation et le rythme du montage atteignent un degré de grandguinolesque distancié assumé sans commune mesure avec la production américaine de cette année. Voilà où sont ces séquences malades qui font toute l'originalité et la force de cet objet expérimental et barré qu'est le complexe du castor.
C'est la compilation de ces séquences les plus timbrés, avec musique foldingue et scénario en dent de scie, presque mécanique, qui créent un caractère à ce film.
Mais elle sait également appuyer sur les failles des personnages, avec certes des tics de l'indé américain, mais maitrisés à la perfection. A ce titre, la partie finale, suivant l'amputation volontaire de Walter, est simplement bouleversante. Les plans de ces jouets jetés à la décharge sont vraiment dérangeants, comme si la folie et la schyzophrénie s'était emparé de notre société pour mieux recréer une unité dans la surconsommation. 
Et la dernière voix off, qui clôt le film, nous fait verser une petite larme lorsque Walter redevenu enfin lui même sait gouter aux plaisirs simples de cette Amérique, en compagnie de ses enfants, en bon père.

Alors oui, Le complexe du castor reprend pour quelques séquences le pire du ciné indépendant américain, à savoir le lycée et une intrigue adolescente totalement inintéressante, mais même cette intrigue parvient à créer du sens, dans un climax final assez foudroyant, avec en toile de fond le discours de Jennifer Lawrence.
Jodie Foster nous a montré en un seul film comment insuffler de la folie dans un film pour donner du sens et de la force au pire de l'indé américain. Cet objet foutraque, inégal, mais foncièrement passionnant est à voir pour ses quelques séquences malades, malgré sa partie lycéenne ratée et vulgaire.

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