mardi 21 juin 2011

Bilan du festival de printemps

S'il n'y avait qu'une chose à retenir du festival de printemps, laquelle serait-ce ?
Les restes brisés d'une enfance qui aura été le thème principal ou secondaire de 3 films en sélection ? La lacheté d'un père ? Ou au contraire l'abnégation de parents dans la défense de leur enfant ?
Peut être aussi la trahison ? Les coups dans le dos ?
Peut être aussi l'espoir ?
Peut être la mélancolie, la tristesse ou même la joie ?

Ce que je retiens, c'est que le cinéma a réuni une nouvelle fois 16 personnes autour d'histoires fortes, de récits qui bouleverseront peut être des vies, l'espace d'un instant.

Le festival de printemps a tenu toutes ses promesses. Loin de la théâtralité froide, bruyante et vaine du flocon d'or Black Swan, mes deux grands gagnants de ce festival sont deux films qui marqueront l'année, dont un chef d’œuvre qui marque l'apogée du talent d'un immense metteur en scène.

Peut être qu'il y a eu des déceptions, notamment le dernier Woody Allen, séduisant mais vide et creux, ou encore l'aseptisé Conquête et le faiblard et moyennement écrit Gamin au vélo, qui convainquait tout de même sur d'autres terrains.
Mais dans la vie, il ne faut pas retenir ce qu'on pourrait avoir, ou ce qu'on aurait pu avoir, mais ce qu'on a et ce qu'on a eu.
Le festival de printemps a tenu toutes ses promesses.

dimanche 19 juin 2011

Le chat du rabbin **


Au coeur de la ville d'Alger, il y avait un chat. Ce chat appartenait à un rabbin. Ce rabbin avait aussi un perroquet. Un jour, le chat décida d'avaler le perroquet tout net. Et le chat y gagna une voix.
Manque de chance, cette voix, c'est celle de François Morel, et à la longue, elle tape un peu sur le système.

Mais finalement, si nous mettons de coté ce "petit" handicap, Le chat du rabbin s'avère être un petit divertissement plus que recommandable.
Voir pendant 1h40 des personnages mener de longues joutes verbales à coup de "des juifs noirs, ça ne s'est jamais vu" et autres répliques didactiques pourrait finir par lasser, mais finalement, on se prend au jeu, grâce au second degré omniprésent et surtout beaucoup plus adulte qu'il n'y parait. C'en est même parfois assez gênant quand on note que le public dans la salle était composé dans sa majorité de parents avec leurs enfants.

Mais pour nous autres adultes, ça ne pose aucun problème. D'autant plus que l'animation est à la hauteur. Le style graphique est magnifique et donne un charme très oriental à ce dessin animé made in France. Contrairement à un certain film d'animation (destiné au flop monumental), on sent ici la touche d'un auteur.
Le style est coloré, vif, parfois déjanté et psychédélique.

Certaines séquences sont vraiment enchanteresses. C'est le cas de toutes les séquences avec le russe trouvé dans la caisse, ou des moments de calme entre le rabbin et le cheikh. Le style graphique se délite volontairement pour une superbe séquence lorsque le valeureux russe arrive dans la cité tant cherchée et tombe sur des autochtones tout aussi racistes que les blancs du nord. On a également droit à une séquence assez hilarante d'apparition de Tintin, avec la voix de François Damiens (forcément).
 
En plus d'un graphisme, de dialogues enchanteurs, les personnages donnent une dimension émouvante au film. Ils sont enjoués, chaleureux, et donnent envie de faire ce voyage à leur coté. Même les plus antipathiques, comme le russe dépravé, sont, de par leur caractère unique des personnages sympathiques.
Et c'est là que commencent les problèmes. On avait cité François Morel, et bien à son image d'hyperactif exhubérant, le film va à 100 à l'heure. On sent parfois que le rythme devrait se poser un peu, avec parfois de magnifiques paysages. Mais non, il faut qu'il y ait 10 trucs qui se passent à la seconde, il faut qu'il y ait des doubleurs qui nous enerve toutes les 5 secondes avec leurs personnages exhubérants et leur doublage à coté de la plaque (le russe dépravé puisqu'on en parle en est le meilleur exemple).
Ne parlons pas de ces fameux dialogues qui partent souvent dans le didactique cérémonieux. Si parfois, Joan Sfarr parvient à en faire des moments franchement prenants, comme le combat entre le russe et le fils du prince musulman, le racolage devient poussif.

Non vraiment, ce chat du rabbin n'est pas idiot du tout par son ton anticonformiste, sa dénonciation de la religion qui ne fait que ternir notre passage dans cette vie, une religion qui n'écoute que ce qu'elle a envie d'entendre. Mais vraiment, il est trop saoulant pour convaincre, et finalement anecdotique.

vendredi 17 juin 2011

Une séparation ****

Deux chaises. Sur l'une d'elles, une femme, sur l'autre un homme. Face à eux, vous êtes seuls juges.
Une séparation est un film qui s'adresse à son spectateur, à son jugement. Il prend la forme d'un témoignage, et seul le spectateur peut juger, tant les personnages ont tous raison et tort.
Au fur et à mesure de l'enquête, chaque personnage s'esquisse un peu plus et le jugement devient plus difficile, les frontières entre la justice et l'équité s'estompant un peu plus.
Tous les personnages sont bouleversants par leurs motivations, aucun n'a tort ou raison.

Asghar Farhadi évite le piège de la neutralité factice grâce à un scénario d'une rare intelligence, pleinement réaliste, qui parvient à transformer une tranche de vie en thriller, et non l'inverse.
En se mettant au plus près de ses personnages, avec cet assemblage de plans fixes laissant parler les personnages dans les limites du cadre, comme présentés à l'oeil extérieur du spectateur, le réalisateur iranien parvient à insuffler une formidable vie dans son film.

Il est bien aidé en cela par des acteurs tous bouleversants. Leur prix d’interprétation collectif à Berlin est totalement mérité. Chaque réplique sort du cœur, on les sent à fleur de peau, comme une façon de rappeler le contexte particulièrement douloureux de cette vie iranniene.

Car il faut bien avouer que Asghar Farhadi a su également éviter le piège du documentaire incendiaire sur l'Iran.
Pas de dénonciation du voile, des violences policières, de la propagande ou de je ne sais quoi. Ce ne sont que quelques indices qui laissent percevoir le difficile train de vie de Téhéran. Le chômage, les difficultés d'assurer un avenir à ses enfants, les salaires de misère, la misère de la famille dont le père est arrêté par les créanciers, condamné à payer encore et encore son du à la société. Tout est présenté au spectateur dans le cadre de l'histoire, de façon parfaitement neutre, rien n'est surligné, le spectateur est toujours seul juge.

On ressent tout de même une vraie prise de parti du réalisateur.
Ce que Asghar Farhadi semble condamner, c'est cette justice à double vitesse, cet asservissement de toute une classe de travailleurs extrêmement par une classe de créanciers et de fonctionnaires. Cet aspect devient particulièrement dérangeant pour le spectateur occidental vivant au hasard en France (tiens tiens) qui en fait toujours l'expérience, en dépis des siècles et de la démocratie.
Le réalisateur semble presque placer délibérément le spectateur occidental dans la position du juge qu'il n'a que trop connu, mais qu'il se révèle comme d'habitude incapable d'assumer.

Jusque dans un ultime pied de nez à la culture du divorce occidentale avec ce plan final sur lequel est étalé le générique final. Le père et la mère sont assis et attendent. Vous avez, après ce premier plan entendu la plaidoirie des deux plaignants, maintenant, c'est à vous de juger, ils ne peuvent qu'attendre, attendre votre jugement.
Et ce jugement ne vient pas, puisque le spectateur reste dans la salle, à attendre que le réalisateur le fasse pour lui.

lundi 13 juin 2011

London Boulevard *


Difficile de faire un film de petits gangsters "à l'anglaise" crédibles quand on a aucun acteur compétent. Fort logiquement, bien loin d'atteindre les sommets d'un Guy Ritchie (arnaques, crimes et botanique) ou d'un Danny Boyle (Trainspotting), London Boulevard n'est qu'une suite de situations convenues. 
William Monahan est un triste scénariste hollywoodien qui semble avoir pris le pire de ce qu'il avait crée là bas (quoique crée est un bien grand mot, son coup d'éclat est un remake) en tentant de le moduler à la sauce britonne, en l’assaisonnant d'une intrigue amoureuse.

William Monahan n'a fait qu'un vulgaire copier coller de son oeuvre à Hollywood elle même copiée collée, et de ses inspirations anglaises.

On retrouve la musique assourdissante de Boyle et Ritchie, mais mal gérée, une sorte d'humour pince sans rire briton dont il a visiblement eu du mal à saisir le concept tant on ne rit pas une fois, et tant c'est vulgairement amené. 
Le scénario ne fait que reprendre ce qu'il avait fait dans les infiltrés en y ajoutant une touche de Ritchie. On retrouve plus ou moins les même seconds rôles crétins, le héros qui sort de taule, le boss fou, qui accessoirement jouait déjà le bras droit de Nicholson dans Les infiltrés, les pédés dandys ou serbo croates. Tout est prémaché par le "cinéaste" qui fait une sorte de bouillie indigeste.

Il essaye ensuite vainement de nous la faire avaler, ce qui s'avère difficile tant la distance qu'il a pris par rapport à l'action est grande. La musique assourdissante et le rythme aléatoire, naviguant entre l'épileptique et ellipses mal gérées, noient ici tout enjeu dramatique dans une soupe distancée (et "distancière") de cadres plats qui se voudrait plus ou moins drôle, ce qui est difficile quand on a aussi peu de talent que William Monahan. 

Il est ici privé de ce qui faisait la substance du dernier film qu'il ait scénarisé, les acteurs. Colin Farell déploie une belle énergie, gâchée par un jeu monoexpressif un peu soulant à la longue, le boss qui malgré une belle volonté semble constamment à coté de ses pompes. Et que dire de Ben Chaplin. Il est tellement ridicule qu'il saborde toutes les scènes dans lesquels il apparait. Pour ce coup, on peut dire que William Monahan n'a pas su diriger son acteur une seule seconde. Quel beau gâchis !!

Keyra Knightley aurait pu (du ?) être retirée de l'intrigue, tant elle est inutile. Lorsque le héros se fait finalement crever, on ne pense pas une seconde à "oh mon dieu il ne va pas pouvoir la rejoindre aux Etats Unis", on se dit juste à "Mais c'est quoi encore que ça ?" puis on se dirige vers la sortie.

Limitless °


Limitless restera dans mon histoire personnelle comme le film que j'ai vu le soir même où Doudou m'a annoncé brutalement qu'on ne devait plus se voir.
Souvenir teinté forcément d'amertume, d'autant plus que si la philosophie veut qu'on se souvienne du bon moment passé avec la personne qui nous a quitté, elle ne peut malheureusement pas s'appliquer à ce Limitless. Je n'irais pas jusqu'à dire que ce Limitless fut un calvaire, pas en si bonne compagnie, mais tout plaisant qu'il soit, il n'en reste pas moins un petit navet à gros budget. Un film qui se voulait ambitieux mais qui se plante par une représentation de son concept digne d'un débutant.

Pourtant, le pitch est intéressant. Explorant les dérives de l'industrie pharmaceutique, et surtout les dérives d'un homme qui devient trop ambitieux, les producteurs auraient pu en tirer quelque chose de justement plus ambitieux.
Mais comme pour compenser la folie des grandeurs de notre héros, ils se sont contentés pour cet ambitieux scénario d'un yes man. Et le résultat est en conséquence, un pop corn movie sans intérêt.

On sent venir le gros naveton au début, on le voit au milieu et on le maudit à la fin.
La réalisation est hyper tape à l'oeil, et noyée sous des tonnes de musique mal gérée.
Tous les enjeux dramatiques sont noyés dans cette soupe mal fagotée.
Ajoutez à cela une morale douteuse sur le conflit des générations, que ne comprendront que les spectateurs les plus attentifs, et qui sera forcément mal assimilée par les autres.

De ce marasme, on ne peut sauver que deux choses : Bradley Cooper et Robert de Niro.
Le second prouve film après film qu'il profite de son année cannoise pour regagner le respect de son public tandis que le premier n'a plus rien à prouver. Il est déjà l'un des meilleurs acteurs américains actuels et l'un des plus sexy.

Alors que retenir de ce Limitless à part deux acteurs ? Retenez au moins que si vous essayez de me faire gober ce film là une nouvelle fois, ne vous étonnez pas si je fonds en larme, si je vous agresse ou si plus simplement mon éventuel futur compagnon choisit de rompre peu après.
Bref à oublier.

samedi 11 juin 2011

Thor *


Malgré un casting en or massif, on peut dire que ce Thor se plante magistralement. Pensez donc, Anthony Hopkins, Nathalie Portman, deux oscarisés, avec à leur coté deux petits jeunes qui se révèlent plus que convaincant, Chris Hemsworth et Tom Hiddleston.
Commandés par un réalisateur confirmé, Kenneth Brannagh et disposant d'un matériel de base très intéressant dans sa volonté de replacer les évènements dans le contexte mythologique, Thor avait tout pour valoir le coup.
Et pourtant, et pourtant, c'est surement l'un des pires navets de l'année.

Kenneth Brannagh n'avait pas l'expérience de ce genre de blockbuster hollywoodiens, et se plante dans les grandes largeurs.
Sa réalisation est tellement cheap, comme les effets spéciaux, qu'elle en devient ridicule. Elle cède aux pires tics du cinéma d'action hollywoodien. Le sommet du ridicule étant atteint dans ce ralenti déjà mythique immortalisant un "oh... My... Good" de Nathalie Portman.

On aurait au moins pu se rattraper sur les scènes de combat, mais non, elles sont tellement mal filmées, montées, et bourrées d'effets dragon ball z qu'on a l'impression d'avoir sous les yeux le pire blockbuster des années 2000 en terme de spectacle.
Le rythme est beaucoup trop rapide et tout nous arrive dessus avec un enthousiasme tel que ça en devient ridicule.

C'est vraiment dommage car le scénario, s'il ne nous épargne pas le pire de l'humour américain, vulgaire et sex, est vraiment une perle dès lors qu'il est centré sur le personnage de Loki. Ce personnage remarquablement complexe nous fait entrevoir l'espoir d'une puissante tragédie. Malheureusement, lui aussi s'enfonce dans les poncifs, avec en point d'orgue une dernière confrontation qui se termine par le pire des poncifs du genre.

Mais le pire dans ce film est probablement la façon qu'a Marvel d'essayer de nous faire saliver pour les avengers, à coup d'apparitions en caméo (oeil de faucon) et de petits clins d'oeils, notamment ce fameux poncif, qui se révèle à la fin être un moyen de faire disparaitre un personnage pour le préparer pour avengers.

Oui, c'est raté, oui c'est raté. Que dire que dire ? Rien rien.

jeudi 2 juin 2011

La défense Lincoln **


J'ai presque honte de n'avoir jamais entendu parler de Matthew McConaughey avant de voir cette défense Lincoln. Mais finalement, au vu de ce qu'on dit de ses performances d'acteurs et de la prestation qu'il nous livre ici, ça vaut peut être mieux. Justement, en parlant du Matthew McConaughey d'avant, je suis allé voir ce film avec mon doudou, qui m'a dit avoir été un peu déçu par l'acteur, qui bien que toujours sexy, avait selon lui mal vieilli.
Bien loin de moi toute considération de comparaison, le Matthew McConaughey d'aujourd'hui est déjà bien assez sexy, et les scènes où son sex appeal font ressortir d'autant plus son jeu troublant et ambigu, qui sert un rôle taillé pour lui.

Mais assez parlé de doudou, de moi et de Matthew McConaughey. On est d'abord là pour parler d'un film.
Et cette défense Lincoln, puisqu'on en parle est assez réussie (mise à part son titre français, absolument incompréhensible).
Je dirais même que, si Brad Furman s'était épargné quelques tics foireux comme les flash back aussi grossièrement amenés par la mise en scène que finalement inutile et dans l'ensemble une réalisation de série B efficace mais impersonnelle, on aurait tenu là un grand film.
Oui, vous avez bien lu, un grand film.

Dans l'état actuel, c'est uniquement à son scénario machiavélique et à son acteur troublant (et sexy) que La défense Lincoln doit son charme.
L'idée de base du scénario est affreusement perverse. Il est assez rare de voir un film construit sur le personnage de l'avocat, en général cantonné au rôle de méchant gripe sou de service dans les films judiciaires.
Ici, les scénaristes ont été bien plus intelligents, pour nous parler de la faillite de tout un système judiciaire, représenté par cette affaire, dans laquelle le malheureux avocat se retrouve englué.
On ne sait jamais réellement où est la vérité, et lorsque la vérité sur l'affaire semble éclater aux yeux de notre avocat, c'est pour mieux se concentrer sur la façon dont l'intrigue va pouvoir être mené à son terme.
La double manipulation, le double jeu de Michael Haller vont faire en sorte de créer le malaise jusqu'au bout. Forcé de défendre un client qu'il sait coupable, il va en même temps faire en sorte que la vérité éclate au grand jour.

La façon dont les scénaristes ont amené les thèmes, pour synthétiser les errements de la justice américaine, est également troublante et dérangeante. C'est par les mots d'un coupable qui veut avoir l'air innocent que sort la principale interrogation. Ici, on battit une société sur le fait que les coupables soient en prison, pas que les innocents soient en liberté. C'est finalement toute une société qui n'en garde finalement que rancoeur et haine, et d'où le démon peut surgir n'importe quand et n'importe où. Juger de la culpabilité ou non de Jesus Martinez l'a conduit en prison, et le coupable n'en court pas moins.
La critique touche non seulement le métier d'avocat, à travers cette remise en cause de Michael Haller, mais également tout le système, basé sur des personnalités libidineuses, qui ne songent qu'à leur lutte (avocat versus procureur) et sont prête à venir présenter de faux témoignages.
Même les derniers mots de Michael Haller sont ambigus. Après l'avoir entendu vanter une société basée sur les innocents et pas sur les coupables (à travers une simple réponse à la question de son homme de main), le voilà qui repart dans un numéro cabotin d'avocat sexy, qui "fidélise la clientèle". Nécessité de survie et attrait irrépressible d'un système qui corrompt par l'argent (et la gloire), voilà qui devrait suffir à faire plier le plus intègre des hommes.

Quelle dommage vraiment, qu'un réalisateur digne de ce nom n'ait pas été aux commandes, afin d'extirper ce film de la banalité que ne mérite ni son scénario, ni son acteur.

Le complexe du castor ***


Le complexe du castor, où la parfaite illustration de ce que ciné indé américain haut de gamme veut dire.
Non, il ne faut pas crier à l'originalité folle, pour le troisième film de Jodie Foster. Mais oui, on a le droit de le considérer comme le haut du panier. Car un film qui s'assume jusqu'au bout, jusqu'à céder à des moments de franc mauvais gout, franchement originaux pour le coup, ne peut qu'être appelé haut de gamme.

Oui, il y a un coté cheap dans ce long métrage. Aussi cheap que la poupée castor ou que l'ex roi d'Hollywood Mel Gibson, que l'accompagnement musical ou que des bricolages que l'entreprise vendra des millions, mais surtout cet horrible environnement qu'est le lycée américain. Le cheap, cette marque de fabrique de l'indé américain, auquel Jennifer Lawrence commence à être habitué (même si elle s'en est échappée le temps d'un excellent volet de X-MEN).
Mais parvenir à transcender (réellement) ce coté cheap omniprésent, en en faisant un élément de la narration et un parti prix radical, c'est plus rare, et ça mérite un coup de chapeau (mesuré) à madame Jodie Foster.

Le complexe du castor commence sur les chapeaux de roue. Le ton ironique de la voix off commentant les premières séquences, couplée à une ironie distanciée communiquée par la réalisation juste et un rythme rondement mené, mais qui sait prendre son temps, font de cette première séquence (jusqu'à l'arrivée du castor donc), une séquence de cinéma drôle, qui sait poser ses personnage admirablement.

A l'arrivée du castor, le rythme sera plus mesuré, plus lent, avec parfois quelques longueurs, mais qui ne sauront faire oublier les séquences inoubliables dans lesquelles apparait Mel Gibson. C'est bien simple, dès qu'il apparait et commence à parler avec sa marionnette, il impressionne. Bouleversant quand il nous montre le vrai Walter, et d'un calme monolithique assez excellent dès lors qu'il s'agit du Walter montré par la marionnette. 

La force de Jodie Foster, c'est de privilégier l'humour. Cette distanciation ironique qui crée d'abord du rire de par les décalages, et de la vie, qui semble se créer autour de ce personnage, puis une impression de monstrueuse farce dès lors que le castor échappe à tout contrôle et que le monde se retrouve face à ce personnage peu commun.
La folie qui gagne le personnage atteint des sommets dans une séquence mémorable de lutte entre Walter et la poupée. La réalisation et le rythme du montage atteignent un degré de grandguinolesque distancié assumé sans commune mesure avec la production américaine de cette année. Voilà où sont ces séquences malades qui font toute l'originalité et la force de cet objet expérimental et barré qu'est le complexe du castor.
C'est la compilation de ces séquences les plus timbrés, avec musique foldingue et scénario en dent de scie, presque mécanique, qui créent un caractère à ce film.
Mais elle sait également appuyer sur les failles des personnages, avec certes des tics de l'indé américain, mais maitrisés à la perfection. A ce titre, la partie finale, suivant l'amputation volontaire de Walter, est simplement bouleversante. Les plans de ces jouets jetés à la décharge sont vraiment dérangeants, comme si la folie et la schyzophrénie s'était emparé de notre société pour mieux recréer une unité dans la surconsommation. 
Et la dernière voix off, qui clôt le film, nous fait verser une petite larme lorsque Walter redevenu enfin lui même sait gouter aux plaisirs simples de cette Amérique, en compagnie de ses enfants, en bon père.

Alors oui, Le complexe du castor reprend pour quelques séquences le pire du ciné indépendant américain, à savoir le lycée et une intrigue adolescente totalement inintéressante, mais même cette intrigue parvient à créer du sens, dans un climax final assez foudroyant, avec en toile de fond le discours de Jennifer Lawrence.
Jodie Foster nous a montré en un seul film comment insuffler de la folie dans un film pour donner du sens et de la force au pire de l'indé américain. Cet objet foutraque, inégal, mais foncièrement passionnant est à voir pour ses quelques séquences malades, malgré sa partie lycéenne ratée et vulgaire.